Portrait – Alejo, un condor qui vaut de l’or

Le jeune Stanois multi-instrumentiste et diplômé du CMMD, a fait une irruption remarquée dans le monde du beatmaking en produisant un titre pour la superstar Booba.

Le titre, GP, ouvrant le dernier projet du « Duc » est certifié single d’or. Aujourd’hui à la tête de son propre label Werss Music, Alejandro, originaire du Pérou, espère maintenant prendre son envol. Rencontre.

© Dragan Lekic

Dans l’univers impitoyable du rap, avec ses codes et ses clashs, il existe des hommes de l’ombre sans qui les « MC’s » (Master of ceremony) ne seraient rien : les beatmakers « faiseurs de sons ». Alejandro Ruiz-Eldredge, Alejo de son nom d’artiste, est un de ceux-là. Casquette noire vissée sur la tête, maillot du capitaine de la sélection péruvienne, l’attaquant Paolo Guerrero sur les épaules, le jeune Stanois de 27 ans nous reçoit au sein du studio où il enregistre à Pantin.

Un long couloir bordé d’une enfilade de pièces identiques se dévoile tandis qu’une odeur acre et poivrée nous chatouille les narines : le cadre est cohérent avec l’idée que l’on se fait d’un studio de musique spécialisé dans le hip-hop.

Alejo a investi les lieux depuis un an environ après avoir fait les beaux jours d’une maison d’édition rassemblant plusieurs beatmakers et artistes avec lesquels il a réalisé des dizaines de musiques. Pour cet ingénieur informatique le jour, les nuits passées au sein de cette structure furent rudes mais formatrices.

« Un beau jour, le directeur nous annonce que nous allons placer une « prod » sur un des albums les plus attendus de l’année ». Alejo tombe de sa chaise lorsqu’il apprend l’identité de l’artiste : Booba. « Je n’oublierais jamais le jour où j’ai écouté le son la première fois, c’était quelque chose de magique ». Le titre GP, certifié single d’or (150 000 exemplaires vendus) est interprété en live devant près de 80 000 personnes sur la scène du Stade de France lors du concert de Booba début septembre. Une consécration.

UNE ASCENSION SEMÉE D’EMBÛCHES

Tel Icare, Alejo s’est brûlé les ailes en volant trop près du soleil. Après le succès de GP, l’ambiance au sein de sa maison d’édition et le regard que lui portent ses collègues beatmakers changent du tout au tout. « Je suis arrivé sur la pointe des pieds comme instrumentiste et au bout de quelques mois à peine je place un son pour Booba. Forcément, ça pose question ».

Le rythme de travail effréné imposé par la structure couplé à son travail en journée l’épuise. « Je devais me rendre au studio tous les jours après le boulot, je finissais des fois à 4 heures du matin… » Il décide alors de faire une pause et rompt son contrat. Il évoque les jalousies et le comportement parfois nocif de certains artistes qui « fument beaucoup trop » pour justifier ce choix.

Malgré tout, les collaborations avec des rappeurs en vogue (Booba, Demi Portion, Hatik, Kanoé…) et l’expérience engrangée le décident à prendre son envol en solo en créant son propre label, Werss Music. « C’est le contraire d’Universal, je voulais être libre de faire ce qui me plaît et développer de jeunes artistes indépendants mais responsables ».

Cette ascension semble résister à tous les obstacles rencontrés mais Alejo a su faire preuve d’une force de caractère hors du commun pour poursuivre son chemin. Pour ce fan de Sniper passé par l’Académie Divertimento en tant que trompettiste, la musique a été une forme d’exutoire par laquelle il s’est affranchi de tous les carcans. « Ce qui me définit le mieux je pense, c’est mon côté versatile. J’aime le rap mais je puise mon inspiration dans mes origines péruviennes et la formation musicale que j’ai reçue ».

• M.B

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