Cérémonies – Une date à ne jamais oublier

Le 17 octobre 1961 a été commémoré à Stains à travers différents temps forts : pose de première pierre, témoignages et hommages ont ponctué cette journée.

Cérémonies - Une date à ne jamais oublier - 1 - Ville de Stains

La commémoration du soixantième anniversaire du 17 octobre 1961, s’est déroulée cette année encore en présence de la famille Bedar. Un des moments forts a été la pose de la première pierre du futur gymnase qui portera le nom de l’une des plus jeunes victimes de cette sombre page de l’histoire de France, Fatima Bedar, une Stanoise de 15 ans.

En effet, durant toute la nuit, des Algériens, venus manifester pacifiquement à Paris, ont fait face à une violente répression policière. Des centaines ont été torturées, tuées et noyées dans la Seine. « La responsabilité de la France a été reconnue par le président de la République récemment, mais ce n’est pas suffisant. Nous demandons à ce que cette journée soit inscrite dans le calendrier des cérémonies nationales », pouvait-on entendre dans le discours du maire, Azzédine Taïbi.

Ce dernier a, aux côtés d’une dizaine d’autres maires, lancé un appel officiel au gouvernement dans ce sens. Une fresque a également été inaugurée sur le Mur, place du Colonel Fabien. Cette oeuvre a été réalisée par le Collectif’Art en hommage aux victimes. Enfin, un dépôt de gerbes s’est déroulé place Aimé-Césaire pour clôturer ce temps du souvenir.

• R.H.

TROIS QUESTIONS À… DJOUDI BEDAR

Votre soeur Fatima Bedar est la plus jeune victime recensée aujourd’hui du massacre du 17 octobre 1961. Qui était-elle ?

Fatima était l’aînée de notre fratrie. Nous vivions rue de Saint-Ouen dans le quartier de l’Avenir. Chaque matin, elle m’emmenait en me tenant la main à la maternelle Jean-Jaurès avant de prendre le bus, le 142 à l’époque, pour aller dans son lycée à Saint-Denis. J’avais 5 ans et demi. Elle, 15. Ce sont les dernières images que j’ai d’elle. Après je ne me souviens que de ma mère en larmes et qui priait sans cesse.

Puis, le silence… Personne ne parlait du 17 octobre. Jusqu’au jour où des personnalités tels que l’historien Jean-Luc Einaudi, l’écrivain Didier Daeninckx et le journaliste Patrick Le Hyaric m’ont ouvert les yeux. Ma soeur a été jetée à la Seine lors de cette manifestation pacifique contre l’instauration d’un couvre-feu pour les Algériens. Son corps a été retrouvé accroché dans une écluse. Mon père n’est rentré à la maison le 31 octobre 1961 qu’avec son cartable et sa montre arrêtée à 17h30.

60 ans plus tard, que peut-on faire ?

Nous sommes encore dans le deuil car ce massacre n’est pas reconnu officiellement. Nous sommes de nombreuses familles dans ce cas. Il faut que les autorités françaises le reconnaissent officiellement par un vote au parlement. Il faut que l’ouverture des archives aboutisse à la vérité : nombre de victimes, responsabilités des donneurs d’ordre et des exécutants.

Les déclarations de François Hollande et d’Emmanuel Macron ne sont pas suffisantes. Azzédine Taïbi, notre maire, est à l’origine d’un appel partagé par plusieurs de ses pairs demandant la reconnaissance de crime d’État de ce massacre. Mon seul souhait est celui-ci.

Le 17 octobre dernier a été posée la première pierre du futur gymnase stanois qui portera le nom de Fatima, pourquoi est ce important ?

Fatima était Stanoise, elle avait 15 ans. Il y a beaucoup d’autres victimes de ce massacre mais donner le nom d’une d’entre elles à un équipement public, c’est un geste fort pour combattre l’oubli de ces évènements qui ont été trop longtemps occultés.

• PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLE SAPIA

17 octobre…61

Dans la nuit noire du 17 octobre 61
Il y’avait des gens
Qui ont du sang
Dans les mains
Les Paponeries de l’injustice !
Transforment Coubertin
En Vel’ D’hiv
Palais des sports
Pour les « supplices »
Français-musulmans
Qu’on devine !
Ils noient aussi…
Tous nos doyens !
Même les anciens
De Verdin !
Qui rentraient
Paisiblement chez eux
Cherchant enfin …,
Qu’à être heureux
Défiant la haine
Qui les surnomme
Beur !
Perdus aux bois de Vincennes…
Et jetés dans la seine
En crime d’humanité
Dix-sept octobre… 61
Dans la pénombre de leurs chemins
Ils étaient bien ils se tenaient bien
Une journée sombre qui rase les miens !
Le pont de la Seine s’en souvient…
De tous ces matraqueurs inhumains !
Versant du sang sur le macadam !
17 octobre 61… 17 octobre 61 !
Ils revenaient tous du boulot
Ethniquement tous algériens…
Matraqués et jetés à l’eau !
Elle souriait à ses 15 ans
« Fatima Bedar » la collégienne…
Ils ont noyé tous ses printemps
Les eaux de la Seine s’en souviennent !
Comme les Fleurs qui flottent sur la Seine
Elle était belle, elle était saine

Paroles de Mahieddine Bentir
clamées après le dévoilement de la fresque

 

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