Portrait – Pierrette Richaudeau, de la couture à la bouture…

Figure des jardins familiaux de notre ville, cette septuagénaire hyperactive est aussi officière de l’Ordre du Mérite Agricole.

Un rôle qu’elle prend très à cœur en représentant, chaque automne en grande tenue, la Seine-Saint-Denis lors de la très prisée Fête des vendanges de Montmartre.

© Julien Ernst

Née dans une famille de terriens en Charente-Maritime, Pierrette Richaudeau, 75 ans, a toujours gardé un lien avec ses racines agricoles. D’abord en n’oubliant jamais de cultiver son petit bout de terre lorsqu’elle est arrivée à Paris en 1964 à l’âge de 17 ans.

« À l’époque, c’était pourtant difficile parce que j’habitais une chambre de bonne dans le 7e arrondissement de Paris. Alors, je sortais dans les parcs et jardins parisiens, ça me rappelait mon enfance, les moments où je cueillais les haricots. Tout ce que m’a appris mon père qui était ouvrier agricole. »

Cependant en s’installant dans la capitale, après un CAP de couture obtenu à Royan, elle troque la bouture pour la couture en devenant « première main » chez Jean-Patou, un des grands couturiers de la place de Paris.

Au total, vingt-années, à « couper, tailler, créer les plus belles robes ou parfois traiter des demandes très spéciales. Je me souviens, par exemple, d’un joaillier de la Place Vendôme pour lequel j’ai fabriqué un manteau en alcantara -un cuir synthétique- et un pantalon qui étaient plein de poches secrètes pour transporter ses bijoux bien à l’abri des regards ! »

UN CHAPEAU MADE IN STAINS

Une dextérité couturière que Paulette Richaudeau emploie désormais chaque début de mois d’octobre à l’occasion de la prestigieuse « Fête des vendanges du Clos de Montmartre » ou plus d’une cinquante de confréries de France et d’ailleurs défilent dans les rues de Montmartre pour le très couru « Grand Défilé. »

Un spectacle joyeux et populaire qui célèbre la vigne et l’histoire de Montmartre au cours duquel Pierrette Richaudeau est apparue, cette année, avec sa création du moment : un chapeau made in Stains « garni de fleurs de saison, des fleurs de topinambour par exemple ou d’asperges, des branches de figuier ou encore du raisin de mon jardin. »

Car, la culture et les boutures, c’est désormais tout un autre pan de la vie de Pierrette Richaudeau qui fut une secrétaire puis une présidente active de l’association des jardins familiaux de Stains au début des années 2000. « En m’installant à Stains en 1975, j’ai pu réaliser mon rêve de remettre à nouveau les mains dans la terre, en bénéficiant d’un jardin partagé », sourit-elle. « C’est pour ça que Stains est un peu mon village parisien… »

Et, c’est ainsi, que de fil en aiguille, elle est devenue en 2010, la présidente pour la Seine-Saint-Denis de l’Association des Membres de l’Ordre du Mérite Agricole (AMOMA). Son rôle : « Défendre l’agriculture dans ses multiples composantes : sylviculture, horticulture, élevage, pêche, agroalimentaire, filières animales et végétales, art vétérinaire, économie et écologie rurales. »

Pas forcément une mission simple dans un département très urbain comme la Seine-Saint-Denis : « Mais, partout où je peux défendre l’image et les actions d’un 93 investi pour défendre les pratiques agricoles, je le fais. En particulier pour parler de Stains et de ses incroyables jardins familiaux au coeur de la ville », sourit Pierrette, habituée du Salon de l’agriculture Porte de Versailles, « toujours sur le stand de l’AMOMA. »

Un lieu de représentation où elle use de son sens du protocole exercé au cours de sa deuxième carrière au sein de la Préfecture de Police de Paris : « J’étais en charge de la préparation des réceptions, souvent pour plus de 200 personnes, alors il fallait dresser des grandes nappes que j’arrangeais en couture. Fréquemment, on se retrouvait avec les maîtres d’hôtel de la Préfecture à aller acheter de beaux tissus pour ces nappes : on avait un sacré carnet d’adresses ! »

Et puis, la retraite a fini par rattraper Pierrette, l’hyperactive, en 2013. Enfin pas tout à fait : « On me sollicitait ponctuellement pour réaliser des nappages lors de grandes réceptions parisiennes. Mais, j’ai fini par arrêter lorsque j’ai eu 72 ans. »

Pas question en revanche de s’arrêter en si bon chemin -agricole- au sein de l’AMOMA. Officière de l’Ordre du Mérite Agricole créé en 1883 par le ministre Jules Méline pour récompenser les services rendus à l’agriculture, Pierrette sera nommée Commandeure de ce même Ordre en juin 2024.

L’occasion, une nouvelle fois, de se confectionner une tenue dont elle a le secret. Et surtout très fleurie…

• FRED LAURENT

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