Portrait – La reconnaissance d’une vie de labeur

Marie-Lise Nimirf est une Stanoise discrète, mais cette fois, elle décide de dire à la ville entière qu’elle est fière de ce qu’elle a accompli depuis 35 ans au sein de son entreprise.

Une manière aussi de lever le voile sur ces métiers dits difficiles. Rencontre.

© Julien Ernst

Lorsqu’elle entre dans la rédaction de votre journal, Marie-Lise Nimirf, 61 ans, est tout sourire. Elle ne s’attendait pas à notre appel téléphonique. Elle sortait alors de son travail qu’elle exerce depuis 35 ans, il pleut. Pourtant, notre invitée a accepté de partager un peu d’elle à quelques jours de l’évènement qui l’attend samedi. La Cérémonie des médailles du travail.

Donc, à la sortie du T11, elle décide d’attendre le 253, qui a déjà 10 minutes de retard afin de nous rejoindre et de se mettre au chaud rue Carnot. Elle arrive toute mouillée. Mais elle est là prête à se raconter pour partager et sûrement aussi pour expliquer ce que sont les métiers qui « cassent » et qui sont pourtant essentiels au bon fonctionnement de notre société et … de nos estomacs.

35 ANS DE RESTAURATION COLLECTIVE.

Marie-Lise travaille en effet depuis plus de 35 ans dans la restauration collective, aujourd’hui, après plusieurs rachats, chez Sodexo-Sogeres. « J’ai servi sur plusieurs sites à Saint-Lazare, rue Poissonnière à Paris, à La Défense… aujourd’hui, je suis à Nanterre. Je commence chaque jour à 7h15 et jusqu’à 10h30, je prépare des entrées. Je pèle, coupe, mélange selon des recettes précises. Aujourd’hui, c’était chinois. Mais, j’ai déjà suivi des recettes du chef Alain Ducasse par exemple ! Une fois ma mise en place faite, j’ai une pause pour manger et j’enchaine le service ou la tenue de la caisse jusqu’à 14h. »

Depuis la crise Covid, son restaurant sert plus de 600 repas quotidiens. Avant, c’était un peu plus de 1000. « Mais le télétravail est passé par là… heureusement, car nous sommes comme beaucoup dans cette profession à avoir des difficultés de recrutement. »

Marie-Lise travaille dans une salle avec trois autres personnes. Aux pauses café, elles sont rejointes par les cuisiniers avec qui elle dit passer de beaux moments « On arrive à discuter et rire malgré que je classerais notre métier dans ceux qu’on appelle difficiles. Plus jeune, j’étais plus résistante, mais avec l’âge, le corps le sent. Je suis toute cassée et fatiguée. Le président Macron doit penser à nous tous qui exerçons ces emplois. Son projet de réforme des retraites est angoissant, injuste. Oui, c’est vrai, j’ai peut-être commencé tard à 23 ans, mais il a fallu que j’arrive à quitter la Guadeloupe avant de trouver un travail. Je ne suis arrivée à Paris qu’au début des années 80 et j’ai toujours exercé mon métier avec courage. »

Marie-Lise était très timide, pas vraiment sûre d’elle, lorsqu’elle a débarqué en métropole. « Mon métier m’a permis d’être plus à l’aise, mieux dans ma peau. Il faut sourire aux clients et être active tout le temps, » confie-t-elle. « Surtout, qu’en ce moment, ils voient les prix monter. Moi aussi, je le vois quand je suis en caisse. Cette inflation est terrible ! » Mais la Stanoise insiste « les clients sont sympas, surtout les jeunes ! » Elle avoue aussi qu’«avec certains mal lunés, qui ont peut-être eu un problème ou une réprimande de leur patron, je m’efforce toujours de trouver quelque chose ou un mot qui pourraient les détendre ».

LE RÊVE DE LA RETRAITE

La détente, Marie-Lise en trouve dans son quartier, celui du Moulin Neuf où elle réside depuis 1996. « Mais surtout en été ! On se parle plus à ce moment-là avec les voisins. Stains est une ville qui évolue bien selon moi, mais les incivilités la desservent. Les nouvelles constructions sont jolies et, à mon avis, utiles, mais ce que j’ai personnellement apprécié le plus ces dernières années c’est l’arrivée du T11 ». Il a réduit son temps de trajet de moitié pour aller au travail.

Le temps ? Marie-Lise affirme aujourd’hui qu’elle n’attendra pas sa retraite à taux plein. « Je ne pourrais pas, mon corps ne pourra pas et je veux vivre encore ». Elle veut voyager. Elle aimerait rejoindre sa Guadeloupe natale et découvrir, après ses voyages au Maroc et autres pays d’Afrique, La Réunion ou encore l’Île Maurice. « Je veux encore profiter de la vie ! » mais cette médaille du travail que le maire va lui remettre samedi, elle y tient.

« Mon travail, c’est ma famille aussi ». D’ailleurs, sa soeur Josiane, avec qui elle vit dans son appartement du Moulin Neuf, a travaillé dans la même entreprise. Mais elle, durant 40 ans. Elle recevra également une
médaille samedi. Les soeurs Nimirf se verront remettre par le maire la médaille d’or pour la plus jeune et l’or et grand or pour l’aînée. Ce jour-là, à l’hôtel de ville, 25 autres Stanois seront honorés d’une médaille du travail.

•C.S

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