Entretien avec Azzédine Taïbi – « Mon rôle de maire, c’est d’abord de protéger les Stanois »

Stains Actu a rencontré le maire afin de passer en revue les dossiers de cette rentrée si singulière : rentrée scolaire, incivilités, plan de relance, soutien à la population, racisme…

Interview d'Azzédine Taïbi - Ville de Stains

Monsieur le maire, la rentrée des classes s’est déroulée dans un contexte particulier lié à l’épidémie de la Covid 19. Qu’en est-il des écoles de la ville ?

La rentrée scolaire s’est plutôt bien passée, de manière apaisée, avec un chiffre de retour des élèves très correct, de l’ordre de 96%. Le protocole sanitaire est scrupuleusement respecté avec le nettoyage des salles, lavage des mains, port du masque pour les enseignants, les agents… Un point est fait toutes les semaines avec les services de l’Éducation nationale.

Malgré toutes ces précautions, nous avons été informés d’un cas de Covid sur le groupe scolaire Joliot-Curie, ce qui a provoqué la fermeture de deux classes pour une durée de quinze jours. Un accompagnement en distanciel de la part des professeurs est bien évidemment assuré et nos agents ont désinfecté les classes.

En cette rentrée, nous avons également soutenu les familles dans leur pouvoir d’achat avec les chèques solidaires et les kits de fournitures scolaires. Un investissement de 300 000 euros. Et en parallèle, nous continuons à mobiliser tous les moyens pour fournir à nos enfants des ordinateurs ou des tablettes.

En quoi cette crise sanitaire bouleverse-t-elle la nouvelle mandature ?

Un début de mandat qui débute par une crise sanitaire telle qu’on l’a connaît, c’est du jamais vu. La Covid nous amène à repenser la mise en oeuvre de nos engagements sur toute la mandature. Ce qui est sûr, c’est que le programme d’action municipale, dans ses grandes lignes, sera réalisé. J’en informerai les Stanois de manière totalement transparente.

Je tiens par ailleurs à rassurer : les impôts n’augmenteront pas. Il est hors de question d’infliger aux Stanois la double peine, eux qui ont tant souffert depuis le début de l’épidémie. Nous nous engageons également à maintenir le même niveau de service rendu à la population. Nous en proposerons même plus. Il reste donc à mener le combat, à exiger notre juste part et je serai toujours présent pour rappeler à l’État ses obligations.

Justement que peut-on attendre de l’État ?

Le gouvernement a annoncé un plan de relance économique de 100 milliards d’euros, ce qui peut paraître beaucoup mais je pense qu’il faut relativiser les retombées pour les classes populaires.

Mon inquiétude, concerne essentiellement l’emploi. 160 000 créations annoncées, cela me paraît très peu, à mettre en parallèle avec l’explosion du nombre de chômeurs, c’est même très faible ! Ces derniers jours, je croise de plus en plus Stanois qui ont perdu leur travail, souvent à une tranche d’âge, 45-55 ans, pour laquelle il est très compliqué de retrouver un poste.

Au-delà de la crise sanitaire, nous souffrons du résultat de toutes les politiques ultralibérales menées depuis des années. Les politiques d’austérité ont fortement fragilisé la société, dans les domaines de l’éducation, la santé, la justice, la sécurité, le logement…

Ce que vous dénonciez dans votre recours contre l’État… Où en est-on sur ce dossier ?

La procédure suit son cours. C’est un travail de longue haleine. Mon rôle de maire, c’est d’abord de protéger les Stanois du mieux possible et d’être combatif. Malgré les difficultés, je ne rentrerai pas dans une logique gestionnaire, il est hors de question de rogner sur les services publics.

De quels moyens d’actions disposez-vous pour affronter cette crise ?

De très peu. Dans la situation qui est la nôtre, il faut rivaliser d’ingéniosité. Nous avons donc tout de suite pris une série de mesures pour atténuer le choc.

Par exemple pour la rentrée, que j’ai placée sous le signe de la solidarité, nous avons, comme je l’ai évoqué, distribué des kits de fournitures scolaires et des bons solidaires, mais nous avons également augmenté l’offre des séjours d’été… Cet été, plus de 1000 enfants ont bénéficié de vacances apprenantes gratuites. Et je peux d’ores et déjà annoncer que le dispositif «Vacances apprenantes » sera prolongé pour la Toussaint. Nous aimerions proposer deux mini-séjours au centre de Villiers.

Par ailleurs, nous sommes très vigilants sur les expulsions. L’arrêté anti-mise à la rue a encore été rejeté par le préfet, j’ai donc prévu une rencontre avec les bailleurs pour en discuter. Pour ce qui concerne le contingent ville, j’ai fait la proposition de geler les loyers pendant deux mois pour une quarantaine de logements.

Je vais aussi rencontrer prochainement le tissu économique local, la fondation Total notamment, pour étudier avec eux de quelle manière nous pouvons soutenir le plus possible l’emploi et l’insertion dans notre ville. Mais ce combat ne peut être mené tout seul, nous avons besoin de tous les acteurs, les institutions comme le secteur privé.

Et en ce qui concerne la tranquillité publique ?

Je serai très ferme en ce qui concerne les incivilités. J’ai pris l’engagement d’augmenter le nombre de policiers sur la mandature et ce sera fait.

En parallèle, nous continuerons de demander des moyens supplémentaires pour le commissariat. Nous envisageons également des solutions alternatives comme des médiations. Nous avons tous les accords de principe pour le Groupement d’intérêt public (GIP) médiation qui fonctionnera surtout la nuit sur des points de rassemblement qui posent problème.

Si tout va bien, j’espère pouvoir constituer une première équipe avant la fin d’année. Nous sommes également en négociation pour recruter davantage d’éducateurs spécialisés, avec la création d’une troisième équipe sur le Moulin Neuf.

Sur le thème de la propreté, comment comptez-vous agir ?

Je vais rencontrer très prochainement l’ensemble des équipes de propreté de Plaine commune qui travaille sur Stains. Comme je m’y étais engagé, nous allons concentrer tous nos efforts sur la propreté. Nous allons repenser les interventions de la Brigade verte et revoir à la hausse les effectifs. Je ne veux pas donner le sentiment aux Stanois que leur ville est abandonnée.

Je regrette certains comportements inacceptables concernant les dépôts sauvages. Sur ce sujet, nous renforcerons la vidéo-verbalisation.

Mercredi dernier, le premier conseil communautaire s’est réuni sous la houlette du nouveau président et maire de Saint-Denis Mathieu Hanotin. Il a été décidé de renouveler l’adhésion au Sedif (syndicat des eaux d’Île-de-France) concernant la gestion de l’eau malgré le processus enclenché en 2017 pour créer une régie publique…

J’ai effectivement voté contre, conformément à notre projet d’action municipale. On a perdu une manche, il faut être honnête. Mais pour autant, nous n’avons pas perdu la guerre. Nous allons poursuivre les réflexions mais, il ne faut pas se leurrer, nous sommes partis sur une bataille qui va durer.

À titre personnel, je souhaite que Stains pèse sur ce sujet. Je suis persuadé que dans quelques années on se posera même plus la question. Paris Rennes, Nice… Toutes ces villes ont fait le choix d’une régie publique de l’eau, qui est un bien commun. C’est le sens de l’histoire. La question de l’eau est un enjeu sociétal et citoyen.

Cela peut-il se faire au sein du Sedif, comme le souhaiterait M. Hanotin ?

À mon sens, le Sedif représente un lobby. La Cour régionale des comptes a pointé à de nombreuses reprises plusieurs graves dysfonctionnements, une gestion très opaque et des problèmes de gouvernance.

Voilà le genre d’organisme qui alimente la défiance des citoyens envers leurs élus et nos institutions. Demain, j’irai siéger là-bas et je dirais très clairement ce que je pense pour l’intérêt des habitants.

Pour finir, la presse nationale s’est fait l’écho des nombreuses menaces et lettres d’insultes à votre encontre…

Depuis quelques mois, je reçois en effet de plus en plus d’attaques personnelles, des propos racistes très virulents mais aussi des menaces. Jusqu’à maintenant, je n’avais jamais déposé plainte.

À la suite d’un dernier courrier très menaçant, j’ai décidé de le faire. J’ai écrit un courrier au préfet, il y a deux mois, mais je n’ai toujours pas de nouvelles.

Je vais donc contacter le Garde des Sceaux. Il a d’ailleurs pris une position claire en se montrant très ferme sur le sujet des violences dont les élus ont été victimes et je tiens à saluer son action. Je tiens aussi et surtout à remercier tous les Stanois qui m’ont apporté leur soutien.

Le ministre de l’Intérieur semble, de son côté, vouloir jeter de l’huile sur le feu…

Nous sommes malheureusement dans une société où le racisme est complètement banalisé, voire cautionné par un certain nombre de responsables politiques. Dans plusieurs médias des chroniqueurs crachent leur haine de façon quotidienne. Je ne peux pas laisser passer cela.

Se taire serait une grave erreur. Aujourd’hui, je tire la sonnette d’alarme, je ne laisserai plus rien passer, je porterai plainte systématiquement.

C’est une question qui dépasse mon cas personnel, en tant qu’élu, et qui selon moi engage la démocratie. La classe politique dans son ensemble porte la responsabilité de faire cesser tout cela.

• Propos recueillis par MEHDI BOUDARENE

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